Avant-Propos :
Pourquoi la petite ville de Virton a eu autant de brasseries ? ( 5 bâtiments différents )
Mais la bonne question est plutôt de savoir pourquoi autant de brasseurs dans la cité ?
C’est au 18ème siècle que l’on a la première génération de brasseur Renauld en la personne de Nicolas Renauld qui par son mariage va devenir propriétaire d’une brasserie située au Faubourg d’Arival et donc devenir brasseur.Ses affaires marchent très bien mais à la deuxième génération (Louis Renauld), ça va décliner à une rapidité stupéfiante sans qu’on en connaisse la cause exacte. Les Renauld sont des familles nombreuses et deux filles Renauld vont inciter leur entourage à devenir brasseur pour profiter de l’opportunité occasionnée par les déboires de Louis Renauld. C’est d’abord la propre sœur de Louis et son époux du nom de Lesquoy qui vont faire de leur fils, Jean-Baptiste Edouard Lesquoy, un nouveau brasseur en lui construisant une brasserie au Faubourg d’Arival. Plus tard, à la troisième génération de brasseur Renauld, c’est la sœur d’Edouard Renauld qui fera de son cultivateur de mari, un brasseur en l’associant avec son frère. Son nom Jean-Baptiste Hobschette qui devint le plus grand brasseur de Virton.
Les parentés :
voici quelques exemples de parentés de ces différents brasseurs.
En 1838, ces trois brasseurs sont actifs :
– Louis Renauld
– Pierre François Renauld, brasseur à Saint-Léger (frère de Louis)
– Jean-Baptiste Edouard Lesquoy (cousin de Louis)
En 1877, ces trois brasseurs sont actifs :
– Edouard Renauld
– Jean-Baptiste Hobschette (beau-frère d’Edouard)
– Jean-Baptiste Edouard Lesquoy (cousin du père d’Edouard)
Vous remarquerez que pour l’exemple de 1877, le 3ème brasseur reprend les prénoms des deux premiers mais comme c’est le plus âgé, c’est plus tôt les deux autres qui auraient « hérité » de ces prénoms familiaux !
Brasseries d’antan :
On parle de brasseurs mais c’est de brasseurs-fermiers-cultivateurs dont il faudrait parler car ils l’étaient tous jusqu’au début 1900.Ils étaient fermiers puisqu’ils possédaient du bétail (en 1885, Edouard Renauld a encore présenté un taureau à un concours) sans oublier les chevaux qui conduisaient les charrettes pour les livraisons.
D’où l’importance de la partie des bâtiments d’écurie où il fallait encore des greniers pour y entreposer la paille, le foin.
Ils étaient aussi cultivateurs puisqu’ils possédaient plusieurs champs disséminés dans la région. Sans oublier qu’au début la brasserie Lesquoy possédait ses propres houblonnières situées à l’arrière même de leur brasserie du Faubourg et aussi à Berchiwé (Houdrigny). D’ailleurs il y avait un chef de culture pour les brasseries Lesquoy et Hobschette. Les brasseries Lesquoy, Hobschette et Renauld procédaient à l’ensemble du processus de production de la bière en fabriquant aussi leur malt. Pour cela il leur fallait encore plus de place au niveau de leur installation.
La vente de bière était complémentaire aux autres activités avant de devenir la principale production. Mais à l’époque, toutes ces activités se complétaient parfaitement. Il fallait des champs pour la culture du houblon mais aussi pour le foin, la paille. Des chevaux pour les récoltes et les livraisons de la bière.
Les résidus du brassage qu’on appelle « la drêche » étaient donnés en nourriture principale à tout ce bétail. D’ailleurs les brasseries qui en avaient de trop, la revendaient aux éleveurs.
Donc tout était produit sur place, ces brasseries d’antan étaient autonomes et rien ne se perdait dans ce monde qui vivait en vase clos.
Chiffres sur les brasseries et sur les brasseurs :
Ces 5 brasseries ont été aussi « grandes » au niveau de l’importance des bâtiments. Au niveau de leurs productions, suivant les époques de leur construction ou leurs modernisations, les circonstances familiales et économiques, ces brasseries pouvaient aussi bien passer des premières aux dernières places. Ces 5 brasseries n’ont jamais toutes fonctionné à la même époque, cependant 4 de ces brasseries ont fonctionné en même temps durant 30 ans de 1881 à 1911 sur les 2.600 brasseries que compta le Royaume en cette période.
De 1913 à 1921, il n’y avait plus que 2 brasseries virtonnaises qui fonctionnaient. (Faillite de la brasserie du « Franklin » en 1911 et arrêt de la brasserie Renauld).De 1921 à 1928 : 3 brasseries virtonnaises étaient en fonctionnement. (arrêt définitif de la brasserie Lesquoy en 1928).De 1928 à 1938 : 2 brasseries virtonnaises étaient en fonctionnement. (arrêt définitif de la brasserie Hobschette en 1938).A partir de 1938 : il n’y aura plus qu’une brasserie virtonnaise qui fonctionnera encore mais qui arrêtera définitivement en 1962.Il ne faut pas oublier que durant les guerres, soit on arrêtait de produire pendant l’occupation par patriotisme ou on continuait de produire mais avec des ingrédients en moins et avec du matériel qui pouvait faire défaut,…De toute manière en mai1940, ce fut l’exode pour tout le monde. Quand les brasseurs et autres producteurs reviendront sur place, ça sera d’abord pour évaluer les dégâts et savoir s’ils pourront relancer leur production.
–Nombre de noms différents portés par les brasseries : 9 en tenant compte de la Société Coopérative du Progrès.En comptant les différents successeurs familiaux avec les frères (ils ont été 2 fois deux frères à être propriétaires de la même brasserie : les frères Nicolas et Henri Bodson et les frères Maurice et Adrien Renauld), on arrive à un total de 21 « brasseurs » pour l’histoire brassicole de Virton.*
*depuis le 18e siècle, ayant une brasserie ne faisant pas partie de la maison même du brasseur.
–Ceux qui ont été brasseurs le plus longtemps :
Nicolas Joseph Renauld durant plus de 48 ans.
Pierre Ferdinand Fayon durant 43 ans (Brasserie du « Franklin »).
Jean-Baptiste Edouard Lesquoy durant 41 ans.
Adrien Renauld durant 41 ans.
–Ceux qui ont été brasseurs le moins longtemps :
Pierre Ferdinand Fayon junior durant 3 ans (Brasserie du « Franklin »).
Achille Uyter-Elst durant 4 ans (Brasserie Hobschette).
Le plus grand brasseur :
Je décernerais le titre « du plus grand brasseur » à Jean-Baptiste Hobschette (brasseur de 1877 à 1910) pour les raisons suivantes… Au départ c’est un fermier exploitant la ferme des Hayons à Sommethonne. En se mariant à une Renauld, il va s’associer à son beau-frère Edouard Renauld qui va sans doute lui apprendre le métier de brasseur. Quand l’association tournera court, il va continuer à louer la brasserie Thomas durant 20 ans et à y produire sa bière. Si bien qu’en 1888, il est le plus grand producteur de bière de Virton, dépassant de plus de 20 % la production de la brasserie Lesquoy et de 40 % la production de la brasserie du « Franklin » alors aux mains des frères Bodson. Et par rapport à son ancien associé et beau-frère qui est revenu à une production artisanale en attendant la construction de la nouvelle grande brasserie, il a une production de bière de plus du double. Jean-Baptiste Hobschette n’attendra pas que la brasserie qu’il exploite soit devenue obsolète pour faire construire une nouvelle brasserie dans le centre de Virton, à la rue des Hottées. Cette nouvelle brasserie de par sa conception sera la plus moderne et fonctionnelle de toutes les brasseries de Virton. Il en sera aux commandes encore durant 10 ans. C’est aussi un novateur car il a été le premier brasseur de Virton à produire limonade et eau de table avant fin 1900 ainsi que le seul à la proposer en siphon alors que la brasserie Renauld ne produira ses propres limonades que 50 ans plus tard !
Frédéric Renauld
Qu’est ce qu’on peut (encore) collectionner sur les brasseries de Virton ou de Gaume ?
– les anciennes publicités en verre ou émaillées, ni même les anciens verres ou chopes : ce n’est plus possible *
– les vieux papiers (factures, lettres, …) sont hors de prix.
– les vieilles photos : il n’y en a presque pas eu et les familles les gardent précieusement.
Il reste :
– les bouteilles (en relief ou gravées)
– les étiquettes (si la brasserie en avait fait imprimer). Il n’y a que pour la brasserie Renauld qu’on puisse encore en trouver puisque c’est la seule brasserie de Virton a en avoir eu. C’est limité à quelques sortes de bières (les prix des étiquettes varient suivant leur état de conservation).
Mais il y a aussi :
– les bouchons en porcelaine avec le nom de la brasserie ou du brasseur imprimé dessus : c’est petit, propreet on peut les mettre là où l’on veut. Il y a toujours moyen de faire un support pour les présenter.
– les cartes postales anciennes (certaines remontent à 1899, cachet de la poste faisant foi).
Virton a l’avantage d’avoir des panoramas qui dévoilent une, deux, trois ou quatre de ces brasseries virtonnaisesvue(s) depuis les hauteurs de Solumont ou de la rue du Bosquet. Introduction & Panorama
*excepté pour la brasserie Maire qui est restée en activité jusqu’en 1990.